Faut-il en finir avec les chiffres romains

Walaa Al-Assrah Mercredi 31 Mars 2021-15:25:51 Actualités Internationales
Faut-il en finir avec les chiffres romains
Faut-il en finir avec les chiffres romains

Le Musée Carnavalet, à Paris, a remplacé les chiffres romains par des chiffres arabes sur quelques-uns de ses écriteaux. Cette décision a créé une polémique jusqu’à s’inviter en « une » de quotidiens italiens. Le début de la fin pour la numérotation latine ? Arguments et contre-arguments pour un débat de soirée, d'après leMonde.

L’argument de compréhension

« Une mesure d’accessibilité universelle. » Voilà comment leMusée Carnavalet, musée d’histoire de la Ville de Paris, ­justifie son choix de se débarrasser des chiffres romains. Le but : faciliter le parcours des personnes en situation de handicap, mais aussi de la clientèle étrangère, notamment asiatique, peu habituée à cette numérotation. Cela ne concerne que les siècles. Un changement déjà opéré par le Louvre il y a quatre ans, par le British Museum, à Londres, ou le Rijksmuseum, à Amsterdam.

L’argument de mauvaise foi

Soyons honnêtes, ­personne n’a envoyé « Joyeuse année MMXXI ! » à un ami le 1er janvier. Les chiffres romains, c’est drôle dans les sketchs des Inconnus, quand Pascal Légitimus gueule « à mort Louis Croix vé bâton ! », mais dans la vraie vie, plus grand monde ne s’en sert vraiment. MCCCLXXXIX, CMLXVII, MCMXCVIII : c’est ­illisible, ces trucs ! Alors, si le latin est devenu une langue morte, il devrait en être de même pour les chiffres romains.

L’argument mathématique

La copie française est déjà assez médiocre comme ça. Les derniers résultats de l’enquête Timss (qui évalue les performances en mathématiques des élèves, du CM1 à la 4e) sont inquiétants : la France est classée dernière des pays d’Europe évalués et avant-dernière des états de l’OCDE. Alors il faudrait déjà se concentrer sur les chiffres arabes avant de penser à leurs homologues latins. Ces derniers ne font que renforcer les inégalités scolaires déjà existantes.

Le contre-argument de compréhension

Le musée reste un endroit idéal pour s’instruire et stimuler sa curiosité. C’est donc l’occasion de s’intéresser à cette numérotation. La ­retirer des écriteaux ne mènera qu’à sa ­disparition : moins on la verra, moins on la comprendra. Et l’argument de ne simplifier que les numéros de siècles n’a pas vraiment de sens. Pourquoi le visiteur n’est-il pas gêné pour lire Louis XIV mais se retrouverait soudain perdu face à une œuvre du XIVe siècle ? Si on peut garder les chiffres romains pour les rois, autant les conserver pour les siècles aussi.

Le contre-argument de mauvaise foi

Même aujourd’hui, les chiffres romains ont toujours la cote. Ces derniers week-ends, les amateurs de rugby ont suivi les exploits du XV de France. D’autres auront croisé la revue XXI ou la BD XIII dans les librairies, ou encore visionné les épisodes IV, V et VI de Star Wars. Même les éditions du Super Bowl, la célèbre finale du championnat de football américain visionnée dans le monde entier, sont numérotées avec des chiffres romains. La preuve que la culture latine sait aussi s’exporter.

Le contre-argument mathématique

Les chiffres romains ne sont pas si compliqués à apprendre. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont traversé les millénaires en étant toujours lisibles, même des non-spécialistes. Il n’y a que sept signes à maîtriser (I, V, X, L, C, D, M). Il suffit de s’y pencher une petite heure pour tout comprendre. A bien y réfléchir, leur apprentissage peut même être plus amusant que celui des chiffres arabes. Déchiffrer le nombre MCDLXVIII devient une petite énigme, comme un jeu mêlant signification des symboles et réflexion.

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